Le cas Richard Jewell, un drame à la sauce républicaine

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Le cas Richard Jewell, sorti en février 2020 et réalisé par l’indémodable Clint Eastwood, ne laisse pas indifférent. L’action se situe pendant les Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 et retrace l’histoire (vraie) de Richard Jewell, agent de sécurité qui alerte le premier sur la présence d’un sac à dos abandonné près de la foule en plein concert. Celui-ci s’avère contenir trois bombes artisanales qui explosent quelques minutes plus tard. Le film met en scène un homme attachant, héros national qui devient vite ennemi public numéro 1 lorsque le FBI le suspecte d’être à l’origine de l’attentat. Un récit touchant…mais aussi populiste et quelque peu réactionnaire.
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Le personnage de Richard Jewell, cet homme solitaire au physique atypique, toujours prêt à secourir la veuve et l’orphelin, vieux garçon très proche de sa mère, ne laisse pas indifférent. Seulement voilà : le FBI, la presse locale et l’opinion publique voient en cet homme décalé le coupable idéal de cette affaire qui ne peut rester trop longtemps irrésolue.
On retrouve dans l’approche au personnage une forme de justice poétique, une empathie pour le prolétariat qui toujours rendent les oeuvres d’Eastwood lumineuses. En effet, le cinéma échoue souvent dans sa mission de représenter les individus dans leur diversité.
Jewell émeut et suscite la compassion.  Il n’a pas les outils nécessaires pour s’attirer la sympathie de ses détracteurs et se mettre hors de cause, victime d’un délit de sale gueule. On ne peut qu’être sensible à ce film qui lui rend justice mais qui laisse dans le même temps un goût aigre-doux.

Le western en filigrane

On ne change pas une équipe qui gagne. Le genre du western, qui a popularisé Eastwood, irradie son œuvre et fait sombrer le film dans de nombreux lieux communs.
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Comme dans tout bon western qui se respecte, la figure du héros incompris, seul contre tous, se détache à nouveau au sein d’une intrigue construite sur une méfiance exacerbée envers les institutions représentatives du gouvernement. Ravivant les symboles moult fois exploités des films ayant pour toile de fond le Wild West et les conflits interminables entre états du Sud en mal de souveraineté et états du Nord soutenus par une machine fédérale qui écrase et uniformise les peuples, Richard Jewell apparait comme le digne représentant d’une certaine vision de l’Amérique.
Notre personnage aime faire respecter la loi, possède tout un arsenal d’armes à feu et croit dur comme fer en la justice. Jewell, qu’on voit plus tôt dans le film arrêté pour contrôles abusifs et excès de zèle vis à vis de la loi, s’attache à faire le bien, quitte à faire du mal. Même s’il signifie plusieurs fois son respect pour les symboles représentatifs du gouvernement ( il s’adresse toujours avec déférence aux agents du FBI, les grands méchants de l’histoire ), il rappelle tout de même la figure bien connue de l’« American loner », homme incompris et stigmatisé, accablé par tous alors même qu’il ne souhaite que défendre le bien commun.
On est donc face à un western version 2020, où le anti-héros ne se bat plus seulement contre le gouvernement fédéral mais contre un terrorisme invisible. Une menace qui ne peut être enrayée en raison de l’opportunisme et de l’incompétence de la police qui représente l’état. 
Une fois encore, on y voit la sympathie du réalisateur pour le parti Républicain, mais également pour une certaine vision des États-Unis représentée par Trump.

Le spectre des élections américaines

Car à l’approche des élections, les partis pris par Eastwood ne peuvent être décorrélés des rapports de force actuellement à l’oeuvre au sein de la société américaine. Le mépris des élites, des figures intellectuelles et le libertarianisme du réalisateur exprimé à travers la figure du bon avocat irrévérencieux font écho à une certaine vision du monde, incarnée par l’actuel président des États-Unis.
On le sait, l’Amérique de Trump vilipende quotidiennement la presse, reprenant sans cesse l’idée de Nixon selon laquelle les média sont “enemy of the people“. Le film, lui, s’applique à démontrer comment les forces médiatiques encensent autant qu’elles peuvent détruire un individu, faisant ainsi allégeance à une certaine vision du journalisme et de ses représentants. Car dans le film, la presse diffuse sans scrupules des tissus de mensonges, dans le seul but de faire du chiffre. En 2020, on parlerait de fake news – cheval de bataille de Trump. Preuve en est la figure de la journaliste qui la première lance l’assaut contre Richard Jewell. Dans le film, le personnage de Kathy Scruggs est celui par qui la machine infernale se met en route, lorsqu’elle dévoile dans la presse les suspicions du FBI à l’encontre du héros.

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On notera aussi au passage que l’image des femmes en ressort sérieusement entachée : Scruggs – blonde, sexy, et toujours soûle – couche avec l’agent du FBI en charge de l’enquête pour le remercier de lui avoir livré la précieuse information, avant de charger son collègue masculin d’écrire l’article qui scellera le sort de Jewell car, de son propre aveu, ” elle écrit comme un pied “.  On l’aura compris, le féminisme en prend une nouvelle fois un coup. Un portrait diffamatoire qui a donné lieu à de vives critiques.
Le film demeure néanmoins émouvant et fascinant, car il réussit recréer une Amérique qui n’est plus (celle des années 90, bien différente des États-Unis actuels). Il célèbre tout en émotions l’héroïsme individuel et la bonté d’un homme à qui l’on refuse son heure de gloire, pourtant si méritée.

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