Behold the dreamers (Voici venir les rêveurs), d’Imbolo Mbue

9137 kilomètres séparent Limbe, au Cameroun, de New-York. Jende Jonga, un homme issu d’une famille pauvre, débarque en 2005 au pays de tous les possibles grâce à un visa touristique, le coeur gonflé d’espoir.

Après plus de 3 décennies à vivre dans le dénuement et l’absence de perspectives, il entend bien ne jamais repartir. Il est ici pour trouver un bon travail, un appartement décent pour que Neni son épouse et leur fils Liomi le rejoignent, pour offrir un avenir à sa famille. Car ici, sur la terre des rêveurs, on peut réellement devenir quelqu’un, a-t-il entendu.

Le roman s’ouvre dans un bureau de Lehman Brothers. Grâce aux relations de son cousin, Jende a réussi à décrocher un entretien d’embauche à Wall Street auprès d’un homme d’affaires reconnu, Clark Edwards. Une chance inespérée pour celui qui est encore employé d’une société de taxis et peine à boucler ses fins de mois après 3 ans de galères aux États-Unis.

Très vite, une tension narrative se construit autour de la situation financière du pays. Car les projets de Jende et Neni, qui a repris ses études à New-York grâce à la situation de son mari, reposent entièrement sur la famille Edwards, pur produit d’un système économique qui est en train de prendre l’eau. Bientôt, la bulle spéculative se rompt, Lehman Brothers s’écroule, la crise financière de 2008 éclate.

Crise financière de 2008 Lehamn Brothers

À New-York et partout dans le pays, il ne faut que quelques heures pour que la panique s’empare de la population et que la vie de chacun ne bascule. Jende et Neni n’échappent pas à cette spirale infernale, qui remet en question leurs projets, leurs carrières, tous les espoirs qu’ils avaient placé dans le rêve américain.

Au fil des mois, Jende et Neni, sans titres de séjour permanents, voient leur monde s’écrouler, tandis que Clark et sa femme Cindy se débattent pour sauver leurs privilèges et conserver l’illusion que leurs accomplissements ne reposent pas que sur les épaules d’un colosse aux pieds d’argile.

À Harlem, la famille Jonga s’aime, mais leurs liens se fragilisent. Sans le vouloir, Jende et Neni s’éloignent l’un de l’autre, se déchirent, envahis par l’angoisse et l’incertitude. Car comment nourrir un amour inconditionnel lorsque l’avenir se dérobe ?

Imbolo Mbue vient de Limbe. Née en 1981, Voici venir les rêveurs, sorti en 2006, est son premier roman.

Imbolo Mbue

Après ses études supérieures aux États-Unis, Mbue a travaillé dans le marketing à New-York. En 2008, elle a perdu son travail lorsque la crise a heurté le pays. Elle se souvient alors de tou.te.s ces immigré.e.s qu’elle apercevait à l’époque, qui faisaient la queue pour un travail, avaient tout abandonné pour venir tenter leur chance aux États-Unis et se retrouvaient désoeuvré.e.s, amaigri.e.s, abandonné.e.s. Beaucoup d’hommes et de femmes venu.e.s d’Afrique pour servir de riches financiers, travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour espérer offrir des études à leurs enfants et envoyer de l’argent au pays. Ces hommes et ces femmes lui ont inspiré les personnages de Jende et Neni.

Le force de ce roman se situe dans ses dialogues, plus vrais que nature, dans la description sans jugement de chacun des personnages, mais aussi dans le portrait sans concessions qu’il dresse des États-Unis. Un pays frappé par la grâce, ayant tant à offrir aux plus chanceux, et à la fois complètement perdu, sans pitié, sans équilibre, sans ligne d’horizon.


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